jeudi, mars 01, 2007

La Môme

En ce moment, je tente d'échapper à mes sensibilités. Les maîtriser, comme on dit. Ne plus être leur jouet et en faire un instrument. Ca se fait, j'ai ouïe dire. Chassez le naturel, il revient au galop, ça se dit beaucoup aussi...

Après trois semaines de péripéties et d’impatience, je l’ai enfin vu. Seule. Je n’aurais pas du. J’en suis sortie avec un sanglot immense en moi. J’ai presque réussi à le retenir dans les transports. Devant la Familia. Et puis je me suis cachée dans ma chambre. J’ai pleuré sans savoir pourquoi. Sans image. Sans mot. Toute entière effacée par cette émotion. Des heures. Ce matin, je le sens encore, je n’ai pas réussi à l’épuiser.

La dernière fois qu’un film m’a fait un tel effet, je devais avoir dix ou douze ans. Le sanglot s’était tari au bout de deux jours et une nuit. J’étais épuisée. Je me souviens. C’était "Au revoir, les enfants". La famille a bien cru que je virais cinglée. Au moins, j’avais de bonnes raisons pour sangloter. Des images. Des mots. Et c’est passé.

La Môme… Je sais pas pourquoi… Je sais pas… Mais il me faut de bonnes raisons… Alors j’écris.

Je n’ai jamais vu Piaf bouger. Juste quelques photos auxquelles personne n’échappe. Je savais vaguement qu’elle avait eu une vie émouvante et que ça rejaillissait dans sa façon de chanter. J’avais imaginé une femme élégante de l’après Grande Guerre.

Alors c’est peut être la surprise de la voir si laide, dans ses attitudes si disgracieuses qu’elles en paraîtraient grotesques sans la délicatesse, la fragilité mue en force dont tout son être est fait.

Ou peut être ce dialogue…
- As-tu peur de la mort, Edith ?
- Pas autant que de la solitude.

On ne voit qu’elle dans ce film. Elle en a connu pourtant, des caves de Saint Germain… Elle a même connu l’Ancêtre. "Sapré bout de femme, la môme Piaf" qu’il disait… Rien de plus. Tout le reste restait dans ses pensées, et il lui fallait un temps certain pour les dérouler en silence.

C’est peut être ce silence, qui s’impose, et qui fait sa solitude, peut être que parmi tous les artistes et gens de lettres qu’elle a rencontrés, aucun n’a pu trouver les mots pour sortir d’elle cet insoutenable sanglot. Peut être qu’il n’y a pas de mot pour elle.

Peut être que je ne trouverai jamais les miens. Peut être que c’est sur moi que je pleure cette fois.

J’ai demandé à l’Ours quelques jours plus tôt : Pourquoi tu ne dis rien ? Pourquoi les hommes se taisent toujours quand je leur parle de ce que je ressens ?
Il a bredouillé les yeux rougis : C’est… Fort… Que veux-tu dire… C’est… Trop.

Peut être que j’y ai vu un coeur frère. Peut être que tout ce que je souhaite dire, moi aussi, se résume en un seul mot, rebondissant…

"Aimez… Aimez... Aimez..."

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a un piaf dans la tête quand vous écrivez, un piaf libre dans votre tête qui s'échappe et claironne librement, libre aux autres de l'entendre... et d'aimer !

P'Oh... a dit…

Oh ben vous, alors... :o) C'est joli ce que vous dites...

Anonyme a dit…

Alors, il faut croire que vous m'avez donné à fredonner... Merci !

P'Oh... a dit…

Je vous en prie, c'est un plaisir, et une surprise, reprennez-en, servez-vous dès que ça vous chante :o)