La force est avec elle
Elle paye pas de mine comme ça, la p’tite Lorraine, quatrième d’une famille de huit enfants, mais z’allez voir, sous peu, on l’appellera la Dame Blanche…
Si j’écrivais ici tout ce que je profère oralement sur la question politique du moment, on me prendrait pour une e-militante. C’est tout de même étonnant… Quinze ans que j’erre dans ce pays à essayer de me faire une place qui me convienne, constamment déroutée par les pesanteurs administratives et les circulaires ministérielles. J’ai bien assisté à trois présidentielles, jamais je n’ai eu la sensation d’avoir compris, de pouvoir en parler, jamais je ne me suis impliquée.
Elle paye pas de mine et vous pouvez la critiquer sur tout ce que vous voulez, sa force autoritaire, ses quelques discours soporifiques, ses idées économiques, son côté maman, ce que vous voulez, n’empêche que cette histoire de campagne participative… Si ça marche, c’est qu’elle la prend bel et bien en compte. C’est qu’elle est pédagogue d’abord. Mais aussi réaliste. On ne peut plus décider une action au niveau de l’état, la balancer sur le terrain, attendre de voir que ça ne marche pas, puis décider autre chose, alors que sur le terrain, les gens savent ce qui marche et ce qui est une plaie.
Je parle encore de ce que je connais, l’éducation. Les profs ont droit depuis quelques temps à une nouvelle circulaire tous les quinze jours, censée changer chaque fois leur façon de fonctionner. Le Robien, maître MMA et vendeur de boîtes de p’tits pois, considère lui aussi que les enseignants sont des feignants, même que ça rime, il faut bien qu’il les occupe. Et rien ne marche. Et on accumule les plaies. Et les mômes s’amusent à faire des émeutes collégiales. Tout va bien. Il suffit que ça ne se sache pas. Il suffit de le dire. Tout va bien.
Vous êtes Français, vous critiquerez toujours, il y aura toujours un oui pour un non et un non pour un oui, ça sera toujours moit’-moit’ à peu de choses près, et jamais vous ne vous mettrez d’accord sur un système qui vous paraîtra stable et équilibré. Ca vous rappellerait trop la perfection, on sait bien que vous n’y avez pas le droit. Il paraît que la France est un pays de signe Balance. C’est donc normal.
J’ai ça en moi aussi. Mais j’ai autre chose que vous allez connaître, vous verrez. L’exaltation et l’aptitude au bon sentiment.
Quoi ? Ce serait trop mièvre, les bons sentiments, pour les argumentatifs que vous êtes ? Oh ? Vous ne m’aurez pas. Je le vois bien. Ca vous manque.
Dame Blanche vous a proposé de vous réunir entre voisins, et vous y êtes allés. Avec joie et enthousiasme. Vous vous chantez « C’est quand le bonheur ? » et « Le bonheur, ça s’trouve pas en lingot, mais en p’tite monnaie ». Je le sens. Ca grimpe. L’émotion se fait son chemin dans l’officiel.
J’ai été faire corps avec la populace le 1er mai au stade Charlèty. Je me suis retrouvée seule avec les 40 000 dedans, et l’Ours seul avec les 40 000 dehors. Nous nous sommes rejoints à la fin.
On connaît le concept « seul dans la foule », assez oppressant. Mais avez-vous connu même seul le sentiment d’appartenance à un tout ? Vous avez dû chanter dans une chorale ou quelque chose ? Et bien voilà. Il n’y a rien de tel qu’un bon sentiment multiplié par la bonne volonté d’une foule. J’vais vous dire, c’est ce qui a fait de moi, quand j’étais petite, l’optimiste que je suis aujourd’hui.
Bien sûr, ça prête à manipulation, tout ça, vous trouverez bien un lot de nons à ce propos comme à d’autres. Mais, ce jour là, parmi la foule, moi, j’ai compris ce qui m’arrivait.
La donne a été simplifiée. Il y a d’un côté tout ce que je trouve exécrable chez l’humain, sa cupidité, son envie, sa soif de pouvoir, ses apparences qui manipulent ses profondes aspirations, les pyramides humaines, il en faut beaucoup en dessous pour supporter le poids d’un seul au sommet, ses condescendances surtout, insupportables d’injustice. Il y a de l’autre tout ce qui m’inspire en l’homme, tout ce qui me procure l’exaltation positive dont j’ai besoin pour nourrir mes zèles éducatifs et littéraires, mais aussi personnels. La solidarité, la tendance à l’utopie, les grandes aspirations, œuvrer pour le bien-être de ceux qui m’entourent. La culture, les arts, la transmission, l’échange.
En somme, c’est très simple, j’aurais à choisir entre ce que je considère comme le bien et ce que je considère comme le mal. Je sais que vous êtes sceptiques, concernant le bien, jamais le mal. Moi je le sens, je ne sais pas réfléchir, mais j’ai de l’intuition. Elle est honnête, Royale. Elle ne sera pas parfaite. Elle s’en prendra plein la poire. Suffit de regarder dans les yeux. Elle fera de son mieux pour nous. Elle a déjà fait le mieux pour soi. Elle est de bonne volonté. Mais surtout, elle propage un sentiment enthousiaste.
« Aimez-vous les uns les autres ! » Voilà ce qu’elle a dit à la foule. C’est si simple. Ca manque tant. Vous ne savez pas faire. Et pourtant, ça vous manque. « Aimez-vous les uns les autres… »
Alors, puisque c’est simple, puisque je comprends, je parle, je m’implique et… ‘Naise comme j’angoisse. J’ai l’impression que ma vie professionnelle et sociale se joue là. J’ai l’occasion de faire de grandes choses, à mon sens, ce qui me tient le plus à cœur, offrir aux enfants le plaisir de lire, c’est là que je me sens utile, compétente, tout à fait à ma place. Ou alors l’occasion d’errer encore, de petit job en petit job qui m’intéresseront de moins en moins, dans l’incapacité totale de trouver une cohérence à mon CV.
J’ai l’impression que tout se joue, là, pour moi. Croisez les doigts…
2 commentaires:
Oui !
Croisons les doigts !
Et il faudra continuer d'agir !
Agir... On est bien obligé. Tout le monde ne parle plus que de ça !
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