Je l'aime, et c'est comme ça
Pas autrement. Il peut m'esquiver des jours, passer sous silence mes plus belles déclarations, repousser indéfiniment le moment où il acceptera d'y faire face, il m'aura pas, j'l'engueulerai pas. C'est comme ça. C'est pas autrement. Et c'est pas un problème. Je trouve tout ça mignon même. Parce que je sais. Y'a des choses qu'il dit. Et comme il les dit... *soupir*... Je sais. Il m'aime aussi. Peut être qu'il réalise pas encore. Peut être qu'il s'en cache. Peut être qu'il veut y échapper. Peut être qu'il est plus timide qu'il n'en a l'air. Mais il m'aime. C'est comme ça. C'est pas un problème.
C'est juste que ça me rend tellement con par moments... Il a dit "On s'appelle ce soir ?" et moi, j'ai totalement zappé mon webinar avec les ricains, j'pensais plus qu'à ça. C'est pas grave, j'vais rattraper, mais quand même. J'aime pas être comme ça. J'dirai même plus. J'déteste. Le voilà not' vrai problème Chouquette. C'est pas lui. C'est toi. T'as peur.
T'as peur qu'il te zappe. J'ai beau te le dire, te le faire confirmer, y'a rien à faire tu peux pas juste laisser aller, laisser faire, en confiance. Alors ma jolie ? Pourquoi ça te fait peur comme ça ? Faut qu'on guérisse ça, on peut pas rester comme ça, lui, il changera pas pour nos beaux yeux faut pas croire. Alors dis-moi. Pourquoi ça te fait peur ?
- C'est pas lui. C'est que toi, t'es cap' de tout oublier pour quelqu'un, même moi, tu peux me laisser poireauter des années enfermée dans le noir, t'es cap' de vivre la vie d'un autre à la place de la nôtre, et tu te dis quand on aura fait ça, et qu'on l'aura guéri de ci, on pourra s'amuser tous ensemble, et ça se passe jamais comme ça, quand ils sont guéris, y'a toujours pas de place pour moi, et toi tu te tires, tu me sauves en quelque sorte, mais après t'es tellement triste et j'ai tellement peur qu'on reste toutes les deux dans le noir. J'veux pas. J'veux qu't'arrête. J'veux qu'on vive notre vie, en pleine lumière, sous le soleil exactement, et lui, s'il t'aime, ben il fera avec. Comme t'essaye de faire avec ce qu'il est. J'veux pas que tu m'effaces au nom d'un amour à sens unique. Tu comprends ?
...
- On vient de se trouver. Et j'aime ça. Tu sais. J'veux pas que tu m'enfermes.
Mais je veux pas t'enfermer ! Moi aussi j'aime ça.
- Ben pourtant t'interprètes tout de travers. On reçoit plein de signaux en ce moment, et toi tu les vois comme ça t'arrange, juste pour me rassurer, mais tu crois que ça va venir d'ailleurs, de lui, d'ailleurs, de quand t'auras accompli ci ou quand t'auras réalisé ça, peu importe, c'est pas vrai, c'est toi, toi seule qui peux me rassurer et c'est tout de suite, maintenant, là, ici. Et suffit pas de dire. Suffit pas de dire "imaginaire" pour qu'imaginaire soit. Suffit pas de dire "je t'aime" pour qu'amour soit. Suffit pas de dire "j't'ai retrouvé" pour qu'il y ait retrouvailles. Vas-y. Vas-y lance-toi dans la vie. Tu crois que lui il va zapper un truc dans sa vie toute misérable qu'elle puisse être parfois pour passer un moment avec toi ? Tu vois bien, y'a pas moyen. Alors tu fais pareil. Et si tu passes à côté ben c'est pas grave y'en aura d'autres. C'est moi le plus important. Moi, faut pas que tu me passes à côté, et le reste suivra. Tu comprends ?
...
- Tu comprends pas ?
Si Chouquette, mais j'sais pas comment faire. C'est ta peur qui me fait faire comme ça. J'veux pas que tu te sentes abandonnée, ni triste, ni blessée.
- Moi, y'a que toi qui puisses m'abandonner, m’attrister, me blesser. Les autres j'm'en fous. Royal. Et je viens de t'expliquer comment. Alors on fait quoi ?
Ben... On vit ? Hein ? Et advienne que pourra ? Hein ? Mais arrête d'avoir peur ça me perturbe, vraiment.
- Promis, j'essaye.
Ben promis, j'essaye aussi.
- D'accord.
D'accord.