samedi, février 19, 2005

Mais qu’attend-on donc de moi ?

Côté taf, le bilan est une cata. Je ne sais pas gérer un groupe classe, je ne sais pas me positionner en temps qu’enseignant, et je ne sais pas transmettre du contenu. Autrement dit, je ne suis pas faite pour ce métier. L’inspectrice a dit « Je vous mets en garde, le troisième stage sera décisif. Vous devez absolument réfléchir à tous ça. C’est pour toute la vie, ce métier, hein, ça sera pas juste comme ça, trois semaines par-ci, trois semaines par là. » Face à elle, je me sens comme face à ma gynéco qu’avait ressenti le besoin irrésistible d’en recreuser une couche par en dessous mon mal-être de maman qui ne le sera pas. Si ça peut leur faire du bien… hein…

En attendant, je n’ai encore rencontré personne cap’ de me faire une leçon de vocabulaire. Qu’appelle-t-on le positionnement de l’enseignant ? On nous en parle lors des évaluations et ça s’arrête là. Et où donc puis-je trouver des outils de gestion de groupe hormis dans la pédagogie institutionnelle qui n’est ni enseignée ni applicable en trois semaines, même réduite à ses essentiels ? Qui me dira enfin ce qui cloche dans mes contenus ? Parce que, quand même, on ne passe pas trois semaines d’insomnie en classe sans rien faire… Si je pose ses trois questions, on ne fait que me regarder avec des yeux ronds. Où étais-je censée l’apprendre, si ce n’est là ? Si mes fiches de préparations ne sont pas encore à leur goût, à qui puis-je m’adresser pour y jeter un œil connaisseur et me conseiller ? Mon Imfe ? Ma Piumfe ? L’inspectrice a dit « Vous ne devez pas tout attendre de vos formateurs. Ils n’ont pas un rôle modelant. » Et puis c’était l’heure de déjeuner, en plus. Alors ma vie, face à son estomac criant famine, ça ne valait que peu de patience. Et puis alors, comment je m’en sors si, par exemple, mon Imfe, de visite dans ma classe pour m’évaluer me dit « Très bien, la collation, j’ai rarement vu les enseignants passer aux tables pour faire parler les enfants sur ce qu’ils mangent et varier ainsi les aliments » et qu’ensuite, de visite dans ma classe pour m’évaluer, ma Piumfe me dit « La collation est un moment convivial, ne les ennuyez pas avec un questionnement. » ? Hein ? Qu’est-ce que j’fais ? Et quand ces trois-là concluent sur un « Nous sommes là pour vous aider. » tout en me faisant croire que je demande la Lune quand je m’y colle ? Si je dois insister trois mois au près de la Piumfe pour qu’elle m’accepte enfin dans son cours de remédiation en grammaire, juste parce que, n’ayant fait qu’une faute dans mon laïus sur la littérature au cycle 3, elle estime que je n’en est pas besoin, et ce malgré mes explications qui pourtant, à moi, me paraissent claires (je n’ai reçu aucun cours de grammaire française, ni plus ni moins, quand elle parle de relatives, de substituts, de pronoms, d’attributs et d’épithètes, ne parlons pas des anacecis et des anacelas, elle me parle chinois, or, je ne comprends pas le chinois, moi, et j’en suis bien désolée, parce que quand même, ça pourrait me servir, dans la vie que je me souhaite… c’est pas clair ça ?) ; si je suis obligée de passer par l’adjointe en direction pour accéder enfin à cette aide avec un cours de retard ; si quand je lui dis « J’aimerais leur faire écrire et fabriquer un album, est-ce possible en trois semaines ? » elle me dit « J’en sais rien moi, ça dépend de votre projet, j’peux pas vous dire. » et qu’elle n’entend pas que j’y ajoute « Et bien justement, pour le moment, mon projet ce limite à ces trois mots : fabriquer un album,comment puis-je faire en trois semaines ? » puisqu’elle répète alors « J’peux rien vous dire sans savoir quel est votre projet, y’a mille et une façon de faire. » ; si tout cela, est-ce moi qui suis si nulle et à côté de la plaque que personne ne peut rien pour moi, ou est-ce la formation qui a trop de limites ?

Alors ben je réfléchis en solo, vaille que vaille. Et voilà que les choses passées remontent à la surface du présent pour m’en fiche plein la poire. Ils sont passés à côté de mon manque, voilà pourquoi ils n’arrivent à me dire rien d’utile. C’est de structure, dont j’ai besoin. C’est le souk dans ma piaule, c’est le souk dans ma vie, c’est le souk dans ma tête, c’est le souk dans mon cœur, alors comment saurais-je mettre de l’ordre dans le grand souk qu’est l’Iufme à l’aube de sa disparition définitive, moi, toute seule ? Si j’en suis là, j’y suis pas pour grand-chose pourtant, c’est juste que j’ai eu seize ans, et que depuis lors, je suis parmi les franchouilles qui s’évertuent tous autant qu’ils sont pour me prouver que 2 et 2 font 5, contrairement à ce que m’en disaient les yougos, comme quoi 2 et 2 feraient plutôt 3. Quand est-ce que je me débarrasserai enfin de cette histoire de racines ?

Et puis je réfléchis encore, toujours les mêmes sources de déséquilibre stable : cette histoire de Pionnière de Tito qu’est jamais devenue Omladinka… C’est une vrai folie, le positionnement de l’enseignant là dedans. Je n’ai pas pu passer le rite qui fait devenir adulte, je dois cependant prendre une position d’adulte sans savoir ce qui le fait, et à la fois, je ne suis qu’en position d’apprenti enseignant, en somme, je suis une élève enseignante, voyez le bazar ? Le boulot de l’enseignant, c’est de créer des connexions neuronales chez les enfants, le boulot de l’apprenti enseignant est de se fabriquer ses propres connexions nouvelles, moi, dans tous ces circuits, je ne fais que me prendre des coups d’jus. Il me manque un repère stable, une prise de terre.

Combien de watts pourrais-je encore supporter ?

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