jeudi, février 08, 2007

Dieu le Padré, descendu sur Terre

Minuit. J’avais tout éteint, et je m’apprêtais à éteindre ma conscience dans la foulée, quand le Padré a déboulé, dans le noir, si plein de chagrin que ça se voyait sans l’aide d’un photon.

- Il faut que tu me dises, il faut que je sache… Est-ce que tu te sens chez toi ici ?
- … ben oui… oui.

Et de me triturer d’un gros câlin larmes dans le cou, ce que j’ai beaucoup de mal à accepter venant de sa part.

Nous avons discuté en vrac et à bâton rompu durant une heure et demie… Il pensait avoir fait beaucoup d’erreurs, surtout avec moi, il demandait pardon. Je n’avais pas l’autorité nécessaire mais je lui ai donné quand même. Il est, entre autre, torturé par l’idée d’avoir fait une erreur en nous ramenant en France.

- Regarde ton fils, tâte ton pouls et tu verras que tu as eu raison.
- J’vais te dire, tout ce qu’on a vécu là-bas, il faut l’oublier.
- Je ne suis pas d’accord. Je vais te dire comment je vois ça puisqu’on en parle, pour une fois…

Et nous voilà copains comme cochons, à parler Yougos et Tito Grande. A un moment, il m’a fait :

- De toute l’histoire de la Serbie, aucun de ses dirigeants n’est mort de mort naturelle, qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus.

Je venais de chialer, là, je rigolais, pas de doute, on était entre Yougos vrais de chez vrai. Un méloslavedrame en bonne et due forme.

- Je vois bien que je dis des choses qui te blessent mais c’est pas mon intention, je ne te veux que du bien.

Ben oui mais bon, quand il me fait le soir "Arrête un peu de bouffer", alors que je suis en train de m’offrir mon premier repas de la journée genre jambon taboulé tomate, rien de bien pendable, même si je vois la bonne intention qui se cache derrière, je préfère ne pas être pote avec lui.

- Je ne sais pas comment te le faire comprendre, tu es ma première, tu es mon tout, mon âme, tu es le plus important. Il faut que tu me dises quoi faire. A partir de maintenant, c’est toi le maître.

Un peu facile mais joliment dit. Merci pour frérot et soeurette.

- Je ne veux rien papa, je veux que tu restes comme tu es, mais tu changes beaucoup en ce moment, tu veux changer toutes les relations, je ne sais pas gérer ça.

A un moment, il a eu un regard que je ne lui connaissais pas, une surprise, un ébahissement, il essayait de me faire croire qu’on ne peut pas juger la guerre sans l’avoir vécue. S’il fallait expérimenter tout ce qu’il y a de mauvais à faire en ce bas monde avant de juger que c’est mauvais… De fil en aiguille :

- Si tu me connaissais rien qu’un peu, papa, tu saurais que je sais ce que les gens ressentent, et je sais ce qu’on ressent en guerre, je sais ce que j’aurais ressenti, pas ce que j’aurais fait, mais ce que je ressens, ça je sais.

Il me prenait, pour ne rien changer, pour sa ptiote qu’a pas encore assez vécu, avec son grand sourire paternaliste. Alors j’ai dit l’indicible.

- Les rares fois où tu m’as appelée au téléphone, je l’ai su, je rêve de toi quand tu veux me parler.

Et lui, ébahi

- Pile tatino…

Le poussin à papa… Moi… Ebé…

Il ne croit pas à grand-chose, Padré, mais il croit en sa grand-mère, à laquelle il n’a jamais rien pu cacher. J’suis sûre qu’il se dit que j’ai chopé son don. C’est faux. Mais bon. Si j’peux gagner du galon…

Je ne sais pas ce que ça va engendrer… Ce que Padré dit et ce que Padré fait n’a jamais grand-chose en commun. Je ne sais pas.

Je suis secouée comme une nappe à la fenêtre du onzième étage. Je me sens toute… chambouletout…

Quand est-ce que ça s’arrête… Je veux ma grotte dans les Carapates…

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